
– L’Economiste: Avec l’équivalence des diplômes du privé, l’ISCAE rentre-t-elle en concurrence frontale avec les business-schools privées?
– Nada Biaz: C’est une très bonne chose que d’avoir sur la place des écoles offrant des formations de qualité. Si elles répondent à des normes bien définies, il n’y a pas de raison pour qu’elles n’obtiennent pas l’équivalence. Au final, évoluer dans un écosystème compétitif est bénéfique. Si nous souhaitons devenir un hub pour l’Afrique, il est important de disposer de choix variés. Maintenant, s’agit-il d’une concurrence frontale? Non, pour la simple raison que nous ne recherchons pas le nombre, mais la qualité. Nous restons sur des promotions réduites, et nous ne prenons que les meilleurs. La concurrence est actuellement autour du vivier des plus brillants, convoités aussi par les écoles d’ingénieurs, facultés de médecine… Avec la hausse des frais de scolarité en France, nous pourrions peut-être en capter plus.
– Les frais de dossier du concours de la nouvelle licence (700 DH) avaient suscité la colère des parents. Comptez-vous revoir ces frais à la baisse cette année?
– Nos textes nous permettent d’imposer des frais d’inscription aux concours, et ceci est d’usage dans le monde entier. Cela dit, nous avons quand même remboursé les parents lorsque leur enfant n’a pas été pré-selectionné, car nous avons pensé qu’ils ne s’attendaient pas à autant de sélectivité, avec seulement une trentaine de places. Ils n’en ont peut-être pas été suffisamment informés.
Je tiens à préciser que nos rentrées et sorties d’argent sont soumises au contrôle du ministère des Finances. De manière générale, les éventuels surplus sont automatiquement réinvestis dans l’établissement. Concernant les frais de cette année, nous n’avons pas encore tranché la question. De toutes les manières, les conditions du concours seront fixées dans le respect de la réglementation en vigueur et publiées sur notre site.
– Que pensez-vous de la réforme du cycle licence. Serait-il opportun d’y rajouter une année?
– Pour les établissements à accès ouvert, cela peut se justifier. Pour moi, l’idéal serait d’intégrer une année préparatoire, à l’instar de la foundation year en Angleterre. Mais elle ne doit pas être applicable à tout le monde, uniquement à ceux qui en ont besoin. Evidemment, une bonne partie des bacheliers serait concernée par une année de mise à niveau. Pour notre licence, nous sélectionnons une trentaine de bacheliers parmi des milliers. Je ne pense donc pas que ce soit opportun dans leur cas. Cependant, nous serons toujours dans le respect du cahier des normes pédagogiques, et nous nous conformerons aux règles auxquelles seront soumis les établissements à accès régulé. Si nous devons rajouter une année, nous pouvons être créatifs, nous adapter. Par exemple, réserver, le cas échéant, l’année supplémentaire à une immersion linguistique, ou à de l’alternance.
– Où en est votre projet de centre d’entrepreneuriat avec BMCE BoA?
– Avec BMCE Bank of Africa nous, avons un projet concept-store baptisé Blue Space. Il comporte une agence pédagogique et un incubateur de projets d’étudiants et lauréats de l’ISCAE, ainsi que d’autres écoles et universités marocaines. Un appel à candidatures sera lancé en 2019, pour une promotion de 30 incubés. Les autorisations ont pris un peu de temps, mais les travaux du centre seront bientôt lancés. Le projet est financé par BMCE. L’école n’a pas suffisamment de moyens à mobiliser.
– Pourtant, vous êtes beaucoup mieux lotis que d’autres écoles publiques…
– C’est une idée reçue. D’autres écoles reçoivent un budget d’investissement, alors que l’ISCAE n’a droit qu’à un budget de fonctionnement, qui ne couvre même pas la totalité de ses charges. Il est de 37 millions de DH, dont près de 85% vont aux salaires et charges sociales. Nos investissements sont entièrement financés par nos recettes propres.
Propos recueillis par Ahlam NAZIH
Un grand projet de réaménagement du campus de Rabat
Entre ses instituts de Casablanca et de Rabat, il n’y a pas de différence en matière d’encadrement. Ce sont, globalement, les mêmes enseignants qui interviennent sur les deux campus. «Nous avons aussi la chance d’y avoir des plans d’action en alignement avec la stratégie de la direction générale», tient à préciser Nada Biaz. Ceci n’est, en effet, pas donné à tout le monde. Dans les universités, par exemple, la stratégie de la présidence se heurte souvent aux différents projets des doyens et directeurs d’établissements. Pour l’institut de Rabat, qui vient d’accueillir son nouveau directeur, Tarik El Malki, l’ISCAE prévoit un grand projet de «réaménagement et de modernisation», afin de mettre à niveau les conditions d’accueil des étudiants. «Il s’agira aussi d’inscrire davantage cet institut dans la dynamique du groupe, par l’organisation d’événements scientifiques et de recherche», précise Biaz. «Il devra, également, accompagner la montée en compétence des établissements de la région, à travers la formation continue, mais aussi via sa production intellectuelle», ajoute-t-elle.
S’ouvrir aux talents, à tout moment de leur cursus

A l’ISCAE, les filles sont majoritaires, elles représentent environ 70% des étudiants du cycle Grande école. C’est également le cas dans de nombreux établissements à accès régulé, comme les ENCG où elles accaparent près de 60% des places. Dans les facultés de médecine et de pharmacie, aussi, elles dépassent généralement la moitié des effectifs. Leur part va jusqu’à près de 65% à Casablanca et Agadir
C’est l’une des grandes transformations de l’ISCAE sur les quatre dernières années. L’accès à l’école est désormais possible à tout moment du cursus, après le bac, pour s’inscrire en licence, en post-prépas ou post-Deug, afin d’intégrer la première année Grande école, et, récemment, en post-licence.
Au lieu d’être inscrits en première année Grande école, les licenciés pourront bientôt être directement affectés en deuxième année. Les profils bac+master, quant à eux, ont le choix entre le cycle d’expertise comptable et l’école doctorale.
«Nous drainons donc les meilleurs étudiants de 18 à 25 ans, et même plus tard, dans le cadre de la formation tout au long de la vie», se réjouit Biaz. L’offre de programmes de formation continue a été élargie ces dernières années, avec plusieurs masters spécialisés, dans les métiers de la santé, en big data, intelligence artificielle et entreprise digitale, gestion des villes et territoires, management du sport…